Stratégie | 11/10/24

Le télescope d'Equinoxe - Théorie du signal

Pour les lecteurs pressés, les points clés :

 > La loi de finance en France a peu de chance d’atteindre ses objectifs mais le signal est important.

 > La conjoncture est dégradée en Europe, mais, heureusement, meilleure ailleurs.

 > Le potentiel de baisse des taux longs est limité et nous vendons lorsque le 10 ans américain atteint 3,75%.

 > La dynamique actions reste favorable et nous sommes constructifs sur la tech, les banques et l’énergie.

 

Macro

Peu de bénéfices, beaucoup de doutes. Dans une rentrée macro chargée, l‘actualité immédiate est celle du projet de loi de finance 2025 en France. Rédigé en urgence par un gouvernement fraîchement nommé, il se distingue comme le plus sérieux effort budgétaire depuis les années 1980 : 60 Mds € d’économies annoncées pour atteindre 5% de déficit l’an prochain, après le dérapage « extraordinairement spectaculaire » (dixit Pierre Moscovici) de 2024. Si le gouvernement annonce 19 Mds € de hausses d’impôts, qui représenteraient donc un tiers de l’effort, le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) les estime plutôt à 30 Mds tandis que les baisses de dépenses seraient beaucoup plus hypothétiques. Sans surprise, la meilleure stratégie de court terme pour réduire le déficit est d’augmenter les recettes, tandis que baisser les dépenses est un travail de longue haleine, minutieux et de compromis. Ce gouvernement, qui ne dispose ni de temps ni de majorité, aurait-il vraiment pu proposer autre chose ?

Kiss cool. Malheureusement, une telle consolidation budgétaire est plus douloureuse en période de vache maigre, c’est le second effet Kiss Cool dont les pays du sud de l’Europe ont fait l’amère expérience il y a 10 ans. La baisse de la dépense publique devrait accélérer le ralentissement économique déjà à l’œuvre (Goldman Sachs estime l’impact négatif à 0.5%) et le HCFP a pudiquement qualifié de « fragile » l’hypothèse de croissance de 1,1% retenue pour l’an prochain. A cela s’ajoute le coût du service de la dette, estimé à 59 Mds €, qui devient le premier poste de dépense de l’Etat. Mais encore une fois, il aurait été irréaliste de s’attendre à grand-chose de mieux et l’effet d’annonce, destiné à rassurer Bruxelles, les marchés financiers et les agences de notation, est bienvenu. Place maintenant au débat parlementaire qui ne manquera pas de retoucher ce projet de loi d’ici Noël.

L’herbe est plus verte ailleurs. S’agissant de conjoncture, l’Europe reste sur une trajectoire dégradée mais c’est surtout l’Allemagne qui inquiète, comme évoqué dans l’édition précédente du Télescope. Les dernières enquêtes sont franchement alarmantes (Graphique 1). Heureusement, les données sont plutôt en amélioration aux Etats-Unis, où l’emploi et le secteur de la consommation se maintiennent bien, et où l’investissement reste dynamique grâce à la forte profitabilité des entreprises. La Chine vient quant à elle d’annoncer des mesures de soutien à l’économie qui pourraient aussi marquer un tournant après trois années de marasme. Au total, les marchés ne s’inquiètent pas d’une récession mondiale à ce stade, même si on ne sait plus très bien où l’on se trouve dans le cycle depuis que la pandémie a brouillé les pistes.

 

Le moral des entreprises allemandes plonge

Source : Commission européenne, Equinoxe – octobre 2024

 

Mano à mano. Le risque est perçu plutôt du côté de l’élection américaine qui approche (20 novembre). Ces dernières semaines, la course s’est resserrée et malgré des levées de fonds impressionnantes et un débat réussi, K. Harris est désormais talonnée par D. Trump pour une élection quasiment à 50/50. Les résultats au Congrès sont aussi très incertains, ce qui donne peu de direction sur la politique à venir aux Etats-Unis. Notre interprétation est que la victoire de Trump serait plutôt mieux accueillie par les marchés que celle de Harris, mais la surprise ne serait pas de la même ampleur que ce qu’elle avait été en 2016.

 

Allocation de portefeuille

On verra l’an prochain. Le rebond de conjoncture aux Etats-Unis a relancé le débat sur la politique de la Fed. Après la baisse de taux de septembre, le marché doute désormais de la trajectoire, et surtout du rythme d’assouplissement monétaire. Avec l’inflation revenue en septembre à 2,4%, le plus probable reste un retour du taux directeur vers 4,5% en fin d’année mais la suite dépendra fortement des chiffres. Ces atermoiements ont pesé sur l’obligataire américain ces derniers jours, tandis que le dollar a repris des couleurs, repassant par exemple en dessous de 1,10 contre l’euro. Nous restons tactiquement plutôt à l’écart du crédit américain, qui est, selon nos métriques, beaucoup plus cher que son homologue européen. La période récente suggère que l’obligataire dollar offre un point de sortie quand le taux 10 ans navigue dans la zone des 3,75%.

Grand bond en avant. Côté actions, la dynamique reste positive mais contrastée. S&P 500 et Nasdaq ont retrouvé leur plus haut de l’année et des performances 2024 au-dessus des 20%. Partout ailleurs, c’est plus poussif. Ces dernières semaines, le regain de vigueur s’est surtout fait sur les cycliques, et non pas les défensives comme pendant l’été. La grosse surprise demeure la Chine, où le marché a bondi de près de 20% en quelques jours suite aux annonces gouvernementales. Pour autant, ce rebond ne repose sur aucune amélioration fondamentale, avec une profitabilité très dégradée des entreprises chinoises et une forte incertitude politique vis-à-vis du secteur privé depuis la reprise en main par Xi Jinping. C’est donc une classe d’actifs dont nous restons structurellement à l’écart.

Bankable. Nous restons en revanche positifs sur le secteur bancaire malgré les baisses de taux et pensons que le redressement du secteur est plus séculaire après une décennie de restructuration (Graphique 2). Les assurances ressortent aussi bien dans nos outils de sélection. Au sein de ces groupes, nous préférons néanmoins éviter le risque souverain français, qui s’est vérifié depuis juillet avec une forte sous-performance des valeurs françaises par rapport au reste de la zone. Si la technologie demeure un must, nous persistons sur les petites capitalisations, pari qui n’a honnêtement pas été très payant jusqu’ici cette année.

 

Surperformance durable des financières

Source : Bloomberg, MSCI, Equinoxe – octobre 2024

 

Plein d’énergie. Enfin, le secteur de l’énergie reste fortement dépendant des prix du pétrole, eux-mêmes soumis aux événements géopolitiques du Moyen-Orient. Nous restons d’avis que l’Iran n’est pas disposé à entrer dans un conflit d’ampleur et que ses représailles ont pour fonction de sauver les apparences plutôt que d’escalader le conflit. Dès lors, nous n’envisageons pas une poussée durable des prix, mais pas non plus de fortes pressions baissières. Aussi avons-nous conservé une position à ce secteur peu cher, à la fois en actions et en crédit, au travers notamment d’un gérant norvégien.

 

 

Portez-vous bien,

L’équipe Equinoxe

 

 

Avertissement : Ce document est fourni exclusivement à titre d’information générale et ne constitue en aucun cas un conseil en investissements financiers, une recommandation ou une proposition d’achat ou de vente. Equinoxe ne saurait être tenu responsable des conséquences financières d’une décision prise sur la base de ces informations et vous invite à solliciter un conseil adapté et la documentation associée. Par ailleurs, les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

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