Pour les lecteurs pressés, les points clés :
> Le mini-krach boursier début août est resté sans lendemain mais la nervosité pointe sous le calme apparent.
> La conjoncture se détériore aux Etats-Unis et les baisses de taux arriveront dès septembre. L’incertitude politique reste aussi élevée.
> L’engouement sur l’IA tiédit et les secteurs défensifs reprennent des couleurs. L’or bat aussi des records, reflétant un positionnement plus prudent.
> Nous maintenons notre biais positif sur le crédit qui permet de capitaliser sur des rendements élevés dans un environnement de croissance faible mais positive.
Macro
Un éclair dans un ciel bleu. L’été aurait pu être fort calme s’il n’avait été traversé d’un éclair tout début août. En à peine trois jours, les marchés furent pris d’un vent de panique qui emporta autant les actions, que le crédit et les devises. Pour autant, Cet épisode sera resté sans lendemain puisque la suite n’a été qu’un retour rapide à la normal et un rebond franc de la plupart des actifs pour revenir à leur niveau de fin juillet. Comment comprendre ces événements et surtout que peut-on en tirer pour la suite de l’année ?
La fin du Covid. La première dynamique importante actuellement est le reflux convaincant de l’inflation. La chose était déjà entendue en Europe depuis quelques mois, mais les Etats-Unis prennent enfin la même trajectoire, avec une inflation en-deçà de 3% en juillet pour la première fois depuis mars 2021. Dans le détail, seule l’inflation du logement fait de la résistance, mais tous les autres postes sont en baisse (Graphique 1). Ains, c’est l’épisode de la pandémie qui se referme enfin sur les conditions macroéconomiques. Le corollaire est que la Fed a immédiatement embrayé sur une pré-annonce de baisse de taux prévue dès septembre.
L’inflation américaine rentre dans le rang
Source : BEA, Equinoxe – août 2024
Slowing but growing. Cette réaction de la banque centrale était d’autant plus aisée que les indicateurs de conjoncture se sont clairement dégradés depuis l’été. Aux Etats-Unis, les secteurs industriels et de la construction ralentissent sous l’effet prolongé des taux élevés. La consommation reste solide et la dépense publique élevés. Ainsi, le régime actuel s’apparente au ‘Slowing but Growing’, une performance médiocre mais un risque de récession modeste. Pour autant, le marché est désormais nerveux face au risque de contraction, ce qui rappelle la littérature sur le ‘Stall Speed’’ du début des années 2010. C’est justement une inquiétude de ce type, suite à de mauvais chiffres d’emploi fin juillet, qui ont causé la correction brutale début août.
Maudite volonté générale. Outre le risque économique, le marché est focalisé sur les élections américaines qui approchent. Suite à la nomination de K. Harris, la dynamique s’est totalement inversée et la Démocrate est donnée légèrement en avance par rapport à D. Trump, à la fois sur le vote populaire et dans les Etats clés, notamment la Pennsylvanie. Le marché voit une victoire républicaine (moins d’impôts et de régulation) comme le scénario le plus favorable, mais le statu quo démocrate ne serait pas une catastrophe. En tout cas, le suspense est au moins aussi épais qu’en France, où comme prévu, la situation ne s’est pas clarifiée. La prime de risque s’est donc stabilisée, à la fois sur la dette française (spread par rapport à l’Allemagne) et sur les valeurs les plus sensibles, notamment les banques. Nous restons constructifs même s’il faut prendre son mal en patience.
Allocation de portefeuille
Histoire de yen. L’autre raison du mini-krach d’août a été la conjugaison de deux mouvements de taux : baisse des taux anticipée aux Etats-Unis et hausse des taux annoncée au Japon. Ces deux éléments concomitants ont déstabilisé les ‘carry trades’, c’est-à-dire ces investissements très populaires qui consistent à emprunter de l’argent dans des pays à taux bas pour l’investir dans des pays à taux élevés. Le problème est que lorsque ces taux bougent, toute la masse d’argent ainsi investi cherche la sortie au même moment, ce qui fait sacrément claquer la porte.
Retour de la défense. Les marchés actions ont fortement réagi sur ces quelques jours, surtout le Japon qui a perdu plus de 20% avant de reprendre ses esprits. Mais sans vraiment de raison fondamentale à la baisse, le rebond a ensuite été vigoureux pour finalement permettre des performances positives sur le mois d’août (CAC 40 +1,4% ; S&P 500 +1,3%). Sous la surface néanmoins, on commence à observer une rotation vers les secteurs plus défensifs de la cote, qui reflètent bien l’inquiétude macro qui monte. Ainsi, en Europe, télécom et santé ont connu la meilleure performance, tandis que la tech recule. Des doutes commencent notamment à émerger sur l’ampleur de l’impact de l’IA sur les bénéfices des entreprises de ce secteur.
Le roi chancèle. L’impact le plus durable des événements de l’été pourrait se situer sur le dollar, qui est logiquement pénalisé par la dynamique de baisse des taux. Ainsi, il perd trois figures contre l’euro qui revient à 1,11, mais aussi contre l’ensemble du G10 (10 devises principales des pays développés). A plus long terme, on voit que le dollar reste cher et pourrait casser à la baisse le couloir dans lequel il fluctue depuis fin 2022 (Graphique 2). La baisse du dollar et des taux d’intérêt a aussi stimulé le cours de l’or, qui est définitivement sorti de sa longue convalescence pour reprendre sa marche en avant. Il a atteint des plus hauts historiques, brisant le plafond de 2 5000$ l’once.
Le dollar au plancher de son couloir
Source : Bloomberg, Equinoxe – août 2024
Time is on my side. Au final, face aux développements récents et aux risques à venir, notre classe d’actifs de prédilection reste le crédit. Les spreads sont serrés, reflétant la relative cherté de la clase d’actifs, mais restent attractifs et même anormalement élevés en Europe par rapport aux Etats-Unis. Le High Yield émergent est aussi intéressant mais plus exotique. En tout cas, l’avantage est de tirer parti du temps qui passe grâce au portage des obligations, à un moment où le rendement des sicav monétaires va baisser graduellement et où la direction des taux longs reste hautement incertaine.
Portez-vous bien et bonne rentrée !
L’équipe Equinoxe