Pour les lecteurs pressés, les points clés :
> Dans un scénario économique mou, notre préférence va au High Yield au sein de l’obligataire. Nous en espérons des rendements autour de 6%.
> Le crédit alternatif reste aussi l’un de nos points d’attention majeurs car la hausse des taux a stressé le marché et permet d’ouvrir des opportunités.
> Sur les actions, nous gardons le cap sur les petites capitalisations pour des raisons conjoncturelles et structurelles. Les banques européennes et la Chine sont aussi des segments qui ont notre faveur.
> Le moment est opportun sur le Private Equity secondaire et les stratégies de niche sur l’immobilier, comme le viager.
Nous passons aujourd’hui au second volet de nos perspectives 2024 et abordons directement les marchés financiers et nos convictions d’allocation. Comme évoqué dans la Partie 1, le scénario économique que nous envisageons est modérément favorable, marqué par une croissance faible et des baisses de taux, mais avec un nombre de facteurs de risque supérieur à la moyenne.
En investissement, la question à se poser est toujours ce qui est déjà intégré dans les cours des marchés par rapport à nos anticipations et aux éventuelles surprises. Après le rebond massif de la fin 2023, est-il possible de trouver des relais de hausse ?
Obligataire
La baisse, hier et aujourd’hui. La classe obligataire est revenue en grâce auprès de beaucoup d’investisseurs depuis la remontée des rendements de 2022. Aujourd’hui, l’anticipation que les banques centrales vont abaisser leurs taux d’intérêt a amené les institutionnels à racheter des obligations d’Etat à maturité intermédiaire ou longue (10 ans). Pour une clientèle privée, nous pensons que ce type d’investissement n’a que peu d’intérêt. Les taux longs ont déjà baissé significativement depuis octobre, l’OAT française à 10 ans étant passé de 3,5% à 2,8%. De plus, les spreads de crédit souverains sont aujourd’hui serrés et le surplus de rendement de l’Italie par rapport à l’Allemagne ne compense pas adéquatement pour le risque. Il est possible que des points d’entrée plus intéressants apparaissent en cours d’année, notamment si les déficits budgétaires reviennent au-devant des inquiétudes des investisseurs, mais aujourd’hui nous ne sommes pas acheteurs de dette souveraine.
Portage un jour, portage toujours. Dans un scénario économique mou, le crédit reste une classe d’actifs de choix. Elle nous a bien servi en 2023 et nous attendons moins de 2024, mais des performances probablement autour des taux de portage. Puisque nous ne pensons pas que les taux de défaut vont être très élevés, nous privilégions toujours le High Yield européen, qui offre aujourd’hui des taux autour de 7%. La mode actuelle est plutôt à l’Investment Grade mais les rendements autour de 3,8% ne nous semblent pas suffisants par rapport aux perspectives qu’offre le fonds euro et ses taux boostés.
Courant alternatif. Nous sommes aussi particulièrement attentifs aux opportunités sur le crédit alternatif. La hausse des taux a stressé plusieurs pans de marché, notamment la dette privée et le LBO, ainsi que le crédit bancaire dans certains secteurs. Les fonds spécialisés dans des stratégies de niche peuvent obtenir des rendements très élevés pour des risques modérés, simplement en palliant l’absence des prêteurs traditionnels. Un exemple de cela est les « obligations catastrophes », qui ont vocation à réassurer les assureurs contre les catastrophes climatiques.
Actions
Sept arbres cachent la forêt. Les marchés actions sont aujourd’hui assez paradoxaux : une petite poignée de valeurs, les fameux Sept Magnifiques, ont atteint des sommets de valorisation et tiré la cote dans des proportions inégalées. Vaut-il mieux se positionner sur ce qui a marché ou sur le rattrapage du reste ? Nous sommes plutôt dans le second camp. Comme le dit Howard Marks, célèbre investisseur américain, les bulles ne viennent pas de fondamentaux mauvais qu’on voit bons, mais plutôt de fondamentaux bons qu’on voit trop beaux. Les Sept Magnifiques ne vont pas nécessairement s’écrouler demain, encore que certains ont des positions concurrentielles délicates (Tesla en particulier), mais la performance pourrait s’affaisser quelques temps, si la trajectoire de ces entreprises est seulement bonne, à défaut d’être exceptionnelle.
L’amour des petits. Comme nous en avons souvent parlé l’an dernier, nous affectionnons les petites capitalisations qui ont de nouveau plutôt sous-performé en 2023 avant de rattraper partiellement leur retard en fin d’année. Ce segment bénéficie de plusieurs avantages. D’abord, l’univers plus large de ces petites valeurs permet de générer structurellement plus de diversification de la part de nos gérants et donc moins de dépendance à la direction des marchés. Ensuite, ces valeurs étant moins regardées, les opportunités d’alpha, c’est-à-dire de surplus de performance, sont plus fortes. Enfin, d’un point de vue conjoncturel, 2023 a accentué la décote des petites capitalisations par rapport aux grandes et nous pensons que la baisse des taux sera le bon catalyste pour l’inversion de cette tendance.
Faites sauter la banque. D’un point de vue sectoriel, les cycliques ont fortement surperformé fin 2023 et nous pensons que le marché sera plus équilibré cette année. Nous restons plutôt favorables au secteur bancaire européen qui, malgré une forte progression l’an dernier, demeure le secteur le moins cher de la cote et bénéficie d’une dynamique bénéficiaire positive. L’énergie pourrait bénéficier d’une hausse des prix du pétrole en cas de hausse des tensions géopolitiques, mais nous restons plutôt circonspects sur le secteur. La santé est aussi un segment à suivre après les variations brutales de prix des titres exposés positivement ou négativement aux molécules GLP-1 de perte de poids
Quand la Chine s’éveillera. Au niveau géographique, nous restons investis sur les Etats-Unis, marché majeur des actions, mais avec la prudence qu’imposent des niveaux de valorisation très élevés. La surprise de notre point de vue pourrait venir de Chine, où les marchés ont subi des performances désastreuses depuis deux ans et que tous les investisseurs internationaux ont déserté. Notre idée est que cette descente aux enfers deviendra de plus en plus intolérable pour les autorités chinoises qui viendront à la rescousse avec la panoplie de mesures utilisée dans la dernière décennie. Nous sommes donc modestement positionnés pour un rebond qui surprendrait le consensus des observateurs.
Private Equity et immobilier
Intérêt secondaire. Le private equity est essentiellement un marché actions avec du levier. Il subit donc les mêmes chocs que les marchés cotés mais avec retard. Les segments du Venture Capital sont les plus touchés par le ralentissement depuis 2022 et Equinoxe n’y investit de toute façon pas. Sur les segments plus traditionnels du LBO, nous pensons qu’il redevient intéressant de regarder les opportunités pour des fonds qui vont déployer le capital à partir de 2024. Nous pensons surtout que les fonds de secondaire sont les plus attractifs : certains investisseurs doivent se désengager prématurément et revendent à décote. Les fonds de secondaire bénéficient donc de prix intéressants, d’une meilleure visibilité sur les investissements, d’une plus grande diversification et d’un horizon de sortie plus court.
Rester dans les marges. Dans l’immobilier, l’ajustement n’est à notre avis pas terminé. Non seulement la correction se poursuit, comme en témoigne le nombre de SCPI qui ajustent leur prix de part à la baisse en ce mois de janvier, mais les alternatives sont désormais nombreuses sur les mêmes niveaux de rentabilité. Une SCPI à 4% aujourd’hui n’a plus grand sens. Il faut donc que les prix baissent pour que les taux servis remontent. En tout cas, nous évitons les bureaux et le commercial et préférons les segments moins cycliques comme la santé, la logistique ou le résidentiel. Nous avons récemment étudié les stratégies de viager qui semblent résilientes même en cas de dépression prolongée du cycle immobilier.
Portez-vous bien !
L’équipe Equinoxe